Ce jour-là, à peine arrivée, je m’étais connecté au logiciel de congés, juste pour revoir mon planning annuel, et mes congés restants. Comme pour me rassurer. Un peu comme avec un ami de longue date qu’on n’aurait pas vu depuis un bail : « Ben, on se voit toujours samedi ? ». En vrai, en filigrane, on dit : « j’ai hâte d’y être, mais par fierté je ne te l’avoue pas ».
À vrai dire, avant d’être en congés, je m’y connectais régulièrement . Non pas que j’espérais qu’un lutin me dépose en cachette des jours supplémentaires, sinon que ce geste me rapprochait d’elles. Des grandes vacances.
Coucou, je t’écris depuis mon téléphone allongée sur un hamac, panama sur la tête même si le soleil décline. J’espère que tu vas bien.
On les comptait en nombre de dodos à l’époque. « Maman, c’est bientôt les vacances ? », « Oui, encore trois dodos.. ».
Quand j’attends les vacances, je sens leur doux sillage comme quand tu marches dans la rue et que de douces effluves parviennent à tes narines sans que tu en détermines la provenance. Arrive, après quelques pas, le point culminant où tu sens le parfum de manière accentuée en te rapprochant de la cible. Et là tu tournes la tête en te disant : «ah c’est donc lui (elle) qui m’a enivré de ces essences».
C’est ainsi qu’après m’être déconnecté du logiciel, je me suis demandé pourquoi nous « kiffions » autant les vacances. Pour ma part, j’ai trouvé 8 principales raisons.
L’excitation que te procures la fameuse annonce d’arrivée « ladies and gentleman », le panneau d’entrée, l’aperçu de la première dune, ou la devanture de l’hôtel.
Tu remontes ainsi à l’excitation liée à la sonnerie de la récréation. Ce moment où tu as enfin le droit de ne pas te tenir droit(e), la liberté de crier, de plonger les mains dans le bac à sable, de dénouer ta corde à sauter, de libérer ton élastique pour jouer.
Au diable, les « fais pas ci, fais pas ça ». Bref, tu peux enfin transcender le cadre du coloriage, tu peux enfin dépasser.
Les vacances, ont en effet, ce goût de récré, d’interlude, d’entre-temps, de plaisirs.
C’est l’émerveillement
Absorbée toute l’année par les ondes vibratoires négatives de la ville, des gens, par les tourments du quotidien, les vacances t’offrent enfin le temps de l’émerveillement.
Le temps d’être attentif aux miracles et à la diversité de la faune, de la flore. Tu t’ouvres à d’autres perspectives, cultures, mets, habitudes, ancrages.
Tes sens sont en éveil : le doux parfum de la lavande, les musiques aux sonorités latines par exemple, les mots comme coupés de la langue germanique.
La quasi-absence de contraintes
Là encore, le parallèle avec l’enfance est riche de sens. On a tous un jour regretté le temps de l’enfance parce qu’il était intrinsèquement le temps de l’insouciance. Insouciance à l’égard des responsabilités, des jugements, ou du temps. En grandissant, tu prends conscience de beaucoup de choses, tu gagnes en discernement, mais tu perds en insouciance.
Le temps des vacances est le temps où on peut s’oublier.
En contemplant le coucher de soleil, en s’extasiant devant les hauts sommets, en rêvassant devant un tableau de maitre ou, en se délectant d’un sorbet sans rompre le charme du moment parce qu’à 14h, on n’a pas à être au bureau.
Le temps est comme suspendu. Comme à l’ancienne, tu ne te fies plus qu’au soleil, à ton estomac, ou à la fatigue de tes jambes pour rythmer tes journées. Le temps s’écoule forcément à un rythme différent.
Tu n’as ni à faire ton lit, ni à te soucier de l’apparence de ton intérieur. Seul importe la quiétude de ton corps, de ton esprit, l’éveil de tes sens.
Au restaurant hier, j’ai entendu une serveuse dire à sa collègue : « J’ai assez donné. J’ai hâte d’être en congés ». Dans sa phrase, ses mots avaient l’air liés. Et en y repensant, je me suis dit effectivement que le temps des vacances était ce temps où l’on reçoit, après avoir « donné ».
Liberté
Je peux enfin détacher ce haut chignon de danseuse (comme on défaisait nos nattes en rentrant de l’école) que j’ai arboré presque toute l’année, et enfin laisser la bise s’emparer de ma chevelure, la faire virevolter, et m’amuser de voir certaines têtes se retourner à mon passage.
La liberté de sauter dans les flacs ou dans le lit à pieds joints, de faire de la balançoire, de t’essayer à de nouvelles activités.
Tu libéres enfin de ton dressing les vêtements que tu t’es interdit durant l’année parce que tu as jugé leur longueur, leur forme, leur textile, leur couleur en désaccord avec les subtils codes vestimentaires du bureau.
« Ah enfin, ils étaient temps que tu nous sortes on commençait à étouffer » diraient ils s’ils parlaient.
Cette liberté aussi d’offrir, même timidement à ces deux seins blancs l’occasion de dorer.
Les rencontres
Les vendeurs, les guides touristiques, les habitants, les chauffeurs de taxis, les vacanciers, .. : à chaque interaction, te sont délivrées les clés de compréhension de la ville.
On se laisse aller aux confidences, à des moments de philosophie, à plus de véracité parce que tu sais qu’il n’y a rien en jeu, et que sûrement tu ne reverras pas, fussent-elles extraordinaires, ces personnes.
On se familiarise même inconsciemment avec les codes de séduction du pays. Je puis te dire, sans généraliser :), que les allemands (aiment la discrétion, craquent souvent pour les jeunes femmes timorées) ne draguent pas ( ou alors très subtilement). Je dois avoir des racines allemandes. On comprend mieux la une du « Spiegel » en 2010. L’hebdomadaire regrettait que tout repose sur les femmes, y compris la séduction.
Dans les pays scandinaves, l’absence (ou relative) de drague des hommes est peut-être l’effet des luttes des femmes. Les Polonais, peuvent troquer volontiers le rendez-vous galant contre une soirée entre amis. Les britanniques ne sont pas fins séducteurs mais préfèrent le franc parler aux œillades langoureuses. Les italiens ont quelque peu le sang chaud, ils draguent, tchatchent aisément pour la plupart. Quant au romantisme à la française, ou à l’art du dating à l’américaine : ils ne sont pas toujours des vérités absolues.
Même s’il y a toujours des exceptions à la règle :).
Ces sourires d’inconnus dont on devine la signification, qui nous rassurent quant à notre apparence, féminité, ou autre.
Trouver de nouvelles marques
Tester les nombreux chemins qui nous amènent à la plage,ou vers le centre ville.
Se créer de nouvelles routines loin de nos schémas habituels.
On installe de nouveaux circuits neuronaux et on rompt ainsi avec la routine. En terme de développement personnel, il n’y a rien de mieux.
Retrouvailles
Les retrouvailles avec soi-même. Prendre du temps pour apprécier sa propre compagnie, redéfinir ses priorités, et mettre du baume sur ses blessures qui, de facto, nous semblent sans gravité. Oui, parce quand on a la chance de s’évader quelques jours….c’est qu’on a de la chance.
Tu redécouvres ta moitié , tes proches, ou tes amis avec un rôle différent, une attitude singulière. Les masques tombent.
Et derrière la frivolité estivale, se loge la magie du fait d’être. Ne dis rien, ne promets rien, ne reproches rien. Sois. Sois juste là. Avec moi. Maintenant. Laisses ton corps et ton esprit communier. Et regardes la beauté de ce qui se trame en toi, et au loin.
Quand le rideau tombe, que le soleil se couche, dans ton esprit résonne alors la célèbre maxime «toutes les bonnes choses ont une fin».
Et à la fin justement, tu as envie de retrouver ton univers : ta famille, ta chambre, tes amis, tes habitudes.
Comme quand on était petit(e) et qu’on avait hâte de revoir la maitresse, de baptiser sa nouvelle ardoise et ses nouveaux feutres, d’arborer fièrement sa tenue de rentrée et son nouveau cartable, et d’entendre le bruit de la craie sur le tableau. Le neuf. Le nouveau.
Souvenirs
Pour te souvenir de ces moments, tu gardes comme des trophées tout ce qui te les rappellera : les tickets de transports, les cartes des coordonnées des restos’, les coquillages, les flyers des musées, les billets d’avion et de concerts.
Tu t’assures d’avoir bien rangé ton appareil photo. T’iras jusqu’à faire un dernier tour comme pour enregistrer un maximum de souvenirs, te baigner une dernière fois, tu souriras une dernière fois à tous ces gens, tu étreindras, tu caresseras le dernier chien que tu croiseras avant de grimper dans le taxi qui te ramènera à l’aéroport, dans le plus interminable des silences.
Je te laisse avec un très joli morceau.
Prends soin de toi.
« J’ai beaucoup dormi. J’ai perdu beaucoup de temps. J’ai commis pas mal d’erreurs. Ce qu’il y avait de moins inutile sous le soleil, c’était de nous aimer les uns les autres. »
Jean d’Ormesson dans « C’est une chose étrange à la fin que le monde », roman publié en 2010.
Sana.
Tous droits réservés.
Très sympa ce petit article ! Tout en soleil..
Des Bisous Sana
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Merci mon ami!
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Quel beau et bon billet ! De ceux qui meritent à être lu, relu. Surtout relu.
Il n’y en a pas assez de billets comme celui-ci sur la blogosphère , je trouve.
Merci Sana. Au plaisir de te lire.
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Je suis très touchée Solène ! Merci beaucoup d’avoir fait une halte par ici, d’avoir apprécié, et d’avoir pris le temps de commenter. Belle soirée. Et à très vite
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La prochaine fois, je m’y attarderai beaucoup plus longtemps. Tes billets valent le détour.
Felicitations pour ce blog et son riche contenu.
A bientot !
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J’aime ce texte. Et c’est signé: Un expert en la matière!
P.S. Nous sommes partis de notre maison andalouse il y a plus d’un mois… donc il ne nous reste que trois ou quatre misérables semaines avant de revenir chez nous… et continuer à ne rien faire d’autre que nos hobbies, privilège de la retraite! Amicalement à toi.
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Quelle chance! Ah l’Andalousie! Un amour cette terre. La région dans laquelle j’espère couler des jours heureux quand j’aurais ton âge. J’aime beaucoup cette région. Ses collines, ses plaines agricoles, ses fleuves.. Son magnifique style architectural, avec ses magnifiques bâtiments : palais de l’Alcázar à Séville, la mosquée-cathédrale de Cordoba et le palais de l’Alhambra de Granada..entre autre. Profitez en bien.
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Merci pour ce commentaire Sana! C’est vrai que nous connaissons bien cette région autonome d’Espagne depuis 23 ans: soit 17 ans dans la Contraviesa Granadina ou Alpujarras Bajas et 6 ans dans la Sierra de Segura (Jaén) et son climat très particulier (continental) à 850 d’altitude. J’espère en profiter encore longtemps. Bonne journée à toi.
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Je me disais, en lisant ton papier, que j’aurais bien du mal à dire, moi, pourquoi j’aime les vacances.
C’est une très bonne idée que d’essayer de répondre à ces questions dont les réponses paraissent évidentes mais ne le sont pas.
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C’est tellement pas évident en effet. Belle journée à toi. A très bientôt
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Une excellente et très complète analyse du pourquoi nous kiffons autant les vacances.
Tellement vrai. Bonne journée Sana 🙂
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Merciiii beaucoup. Bon week-end. A très bientôt
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Génial ton billet. Ça me donne envie d’être en vacances toute l’année.
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J’ai une copine qui me dit souvent : « sana, l’idéal serait de prendre 6 mois de vacances, deux fois par an » ;). Personnellement, je risquerais de m’ennuyer :). Belle soirée
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Vive les vacances !
Profites-en bien.
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Merci Neo. J’espère que tu vas bien! A très bientôt
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Merci pour nous inviter dans ce beau voyage et cette profondeur d’analyse. 🙂
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Merci à toi Bruno. J’étais à l’instant sur ton blog. Bravo pour ton blog. Tes photos, peintures sont très jolies. Au plaisir
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Heureux de te connaître, merci pour ces partages !
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Sourire, voilà ce que ton article me fait. J’aime bien ton côté analytique et je dois avouer Qu’il y a pas mal de vrai. Après, je me dis que C’est dommage d’attendre les vacances pour se permettre tous ces points que tu décris, même si cela ne veut pas dire que tu ne le fais pas ou que C’est impossible. Intéressant encore, merci Sana
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Oui Vénus, c’est juste que pendant les vacances, on peut se permettre davantage de ces choses là. Belle journée
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C’est évident en effet. Belle journée à toi aussi
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C’est une façon de voir les vacances qui me plaît assez ! Mais le week-end, on peut aussi s’évader dans la nature, près de chez soi, et profiter du calme, des oiseaux, etc… 🙂
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Oui et heureusement!
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Merci Sana pour ce bel article.
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Bonsoir.
Joli article ! J’aime toujours autant ton style ^^.
Bise
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